Date
de parution : le 10 janvier 2004
Auteur : Alain ROBERT Sonneur
et danseur et ... futur veuzou |
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LA VEUZE ou vèze
Pour continuer l’article proposé par Françoise le mois dernier sur les cornemuses médiévales, je vous propose de découvrir un instrument qui a bien failli disparaître totalement au début du 20ème siècle : la veuze.
Ses origines
La veuze fait bien sûr partie de la grande famille des cornemuses médiévales qui ont été populaires dans toute l’Europe. Elle est très proche de la cornemuse galicienne beaucoup jouée aujourd’hui : la gaïta. De la même famille aussi que le biniou de basse Bretagne, mais avec une tessiture plus grave, elle peut mettre en valeur à elle seule les mélodies. Tandis que le biniou avec sa tessiture aiguë permet d’accompagner efficacement la bombarde. D’après certaines gravures et textes anciens, une explication permet de supposer qu’il existait partout en Bretagne (haute et basse) un instrument proche de la veuze jusqu’à la fin du 18ème siècle. Au début du 19ème il aurait été transformé en basse Bretagne par changement d’octave pour donner le biniou actuel, plus approprié au jeu en couple. Alors qu’en haute Bretagne l’instrument ancien se serait maintenu permettant avant tout le jeu en solo, donnant l’actuelle veuze.
Biniou et veuze, quelques différences
Histoire d’un instrument redécouvert.
La tradition instrumentale bretonne subit un fort déclin entre les deux guerres. Les couples de sonneurs biniou bombarde disparaissaient. Beaucoup de bretons avaient adopté le bag-pipe, cornemuse écossaise encore beaucoup utilisée aujourd’hui dans les bagads.
Voyant cela, quelques personnes créent une confrérie de biniounistes (Kenvreuriez ar Viniouerien) K A V. Ses deux fondateurs organisent avec des amis des recherches sur les instruments populaires locaux. C’est ainsi qu’un dénommé Jean Villebrun en 1938 apprend qu’en presqu’île guérandaise, il est joué d’un biniou possédant un chalumeau beaucoup plus long que celui joué dans le Morbihan ou dans le Finistère. Après de multiples enquêtes, ce passionné rencontre dans le village brièron d’Hoscas (entre St Lyphard et la chapelle des marais) un vieil homme du nom de Mahé vivant avec sa fille et qui avait joué de cet instrument. Il le possédait encore au fond d’une armoire. La fille voyant le visiteur très intéressé, était empressée de la vendre tandis que le vieillard trouva une consolation en sachant que l’acheteur était lui-même sonneur. Il s’agissait bien là de l’un des derniers modèles de veuze que ni les conservatoires ni les musées ne connaissaient. Cette découverte primordiale a motivé quelques personnes à parcourir les campagnes à fin de mener des recherches approfondies sur cet instrument. Les différents collectages ont permis de découvrir quelques rares exemplaires assez bien conservés. Ces instruments ont permis d’aboutir à la veuze fabriquée aujourd’hui par Thierry Bertrand. Par contre, aucun de ces instruments ne possédait d’anches, seul point de détail ne permettant pas de fabriquer l’instrument de façon tout à fait authentique. Autre point de détail, les derniers joueurs de veuze rencontrés ne jouaient plus. Les collecteurs d’informations ont pris des notes sur les répertoires pratiqués mais leur manque d’expérience n’a pas permis de noter les techniques de jeu. Bien sûr aucun enregistrement existait.
La vie d’un instrument ne tient qu’à un fil. Sans la grande curiosité et la passion de la musique populaire de quelques personnes, la veuze n’aurait pas survécu à cette période de l’entre deux guerres.
Sonorité et style de jeu.
L’anche d’une cornemuse a un rôle important sur la sonorité de l’instrument. Les réglages ainsi que les multiples qualités d’anches donneront des résultats très différents. Des anches plutôt « dures » donnent un son se rapprochant de celui de la cornemuse écossaise. Au contraire, des anches plutôt fines donnent une sonorité plus faible permettant parfois de monter à l’octave supérieure. Pour la fabrication de l’anche de veuze, le facteur d’anche s’est inspiré des techniques de fabrication des anches de biniou ou de bombarde, sans donner trop de puissance à l’instrument pour se conformer aux témoignages recueillis auprès de quelques personnes qui ont pu décrire la sonorité de la veuze : « le son était supportable et on s’entendait parler dans une pièce quand la veuze jouait ». La majorité des joueurs actuels a adopté un réglage donnant une sonorité chaude et grave, au timbre très pur. La veuze reste toutefois plus puissante que la plupart des cornemuses du centre de la France du fait de sa perce plus large et des trous du chalumeau plus grand. Aujourd’hui le veuzou affine et enrichit son jeu à sa manière, et à l’intérieur du cadre que les recherches ont permis de définir. Les sonorités des instruments et les jeux restent très personnalisés.
Aujourd’hui, les instruments fabriqués par Thierry Bertrand sont irréprochables. Ils sont fabriqués avec passion dans un très grand respect des modèles retrouvés.
Le rouge de Brécat, en costume de saunier, pose de paludiers lors
d'une fête folklorique à Batz sur Mer ou à Saillé
au début de ce siècle
Le veuzou était principalement demandé pour animer les noces.
Où a t-elle sonné ?
La veuze était principalement jouée en Loire-Atlantique et au nord de la Vendée. Le collectage auprès des anciens permet d’indiquer une présence de l’instrument plus particulièrement dans le marais breton (nord-ouest Vendée), pays Guérandais et ouest Brière.
Aucune trace de veuze n’a été retrouvée au nord de la vilaine.
Quelques cas de veuzou isolé dans les régions de Chateaubriand, Redon, Pays nantais.
La veuze aujourd’hui
Plusieurs groupes bretons ont adopté aujourd’hui la veuze : Anche Foll, Rozaroun, Pevar Den, Talar, Cabestan, Emsaverien, La godinette, Sonerien Du, Hamon Martin Trio. Tous ces groupes, chacun à sa manière, permettent un retour au premier plan de ce bel instrument en démontrant que la veuze a de multiples possibilités d’accompagnement et offre des techniques de jeu bien différentes.
Une association de sonneurs de veuze a vu le jour en 1983. Thierry Bertrand fabrique les veuzes au nom de l’association. Ils ont pris à l’automne un tourneur sur bois pour préparer le travail afin de diminuer le délai d’attente qui est environ de deux ans aujourd’hui. Les essences de bois les plus utilisées à la fabrication de cet instrument sont le buis et l’ébène.
Pour tous renseignements complémentaires :
Association des sonneurs de veuze
3 rue Harouys
44000 NANTES
tél : 02.40.89.24.18
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